Un chemin dans le monde

Avec sa retenue habituelle, avec son art si caractéristique de la narration "circulaire", l'auteur aborde certains des grands thèmes qui lui sont chers : l'exil, la recherche d'une identité, "l'énigme du retour" à un passé trinidadien peut-être oublié.

"La plupart d'entre nous connaissent les parents ou les grands-parents dont ils sont issus. Mais nos origines sont plus lointaines, nous remontons à l'infini ; tous, nous remontons jusqu'au début de la race ; dans notre sang, nos os, notre cerveau, nous charrions la mémoire de milliers d'êtres", observe le premier narrateur d'Un chemin dans le monde.

Ainsi, l'essentiel de notre héritage demeure hors de notre portée : tel est le mystère qui sous-entend cette œuvre exceptionnelle de fiction où, sur le mode autobiographique si brillamment exploré dans L'Enigme de l'arrivée, V.S Naipaul propose un enchaînement d'histoires d'une force étonnante, riches de résonances, de mémoire et d'inventivité.

Ce sont les récits de toute une vie d'écrivain pour saisir à la fois les simples données de l'héritage personnel ? la langue, le comportement, les racines familiales ? et les fils entremêlés d'un passé historique complexe : "des faits dont on se souvient à peine, ramenés à la surface par la seule écriture". Il recompose ainsi les moments cruciaux de l'impérialisme dans la Caraïbe : la dernière et honteuse expédition de sir Walter Raleigh dans le Nouveau Monde ; le débarquement désastreux de l'indépendantiste Francisco Miranda au Venezuela, au dix-huitième siècle ; les interventions subtiles d'un auteur anglais réputé du vingtième siècle.