Droit de Suite

Weiler s’était mis en tête de répertorier tous les individus qu’il avait jusqu’à présent rencontrés sur Terre. Il n’aurait su dire comment cette idée saugrenue lui était venue, mais elle s’était imposée à lui, obsessionnelle.

Au début, lister et regrouper les personnes qui lui étaient familières n’avait nécessité que deux ou trois heures, mais au fur et à mesure la mémoire s’était dérobée. La tâche s’était vite avérée insurmontable. Après beaucoup d’efforts, il finissait par visualiser de façon indistincte certains visages, mais leurs noms – voire leurs prénoms – avaient disparu. Dire qu’il avait eu des relations singulières avec ces gens-là, parfois pendant plusieurs années et qu’il leur était même arrivé de partager des moments privilégiés, voire très intimes.

Tout ça pour produire in fine de l’antimatière après quelques décennies seulement, et se retrouver avec de gros trous noirs dans le cerveau. On fait grand cas de la maladie d’Alzheimer, alors que tout le monde, dès la naissance, passe son temps à dématérialiser ce qui lui arrive…

Droit de Suite est le dixième roman publié par Ferdinand Thiry, écrivain d’origine slovène.