A ceux que la gauche désespère

L'explosion sociale est pour demain.

La France connaît une crise sociale profonde. Les gens vivent mal et ont cessé d'attendre des lendemains plus riants. Maire communiste d'une ville de banlieue - bien placée au palmarès peu enviable des villes les plus pauvres de France - cela fait bien longtemps que je ressens la situation explosive de notre société. À Sevran, plus encore qu'ailleurs, mon équipe ressent tous les jours l'accroissement des inégalités entre les individus et entre les collectivités qui ne cesse de se développer. Comme un reflet, déformant, exacerbé, d'une crise globale où tout le monde a perdu ses repères.

Dans nos banlieues, trouver un travail, se loger, se déplacer, sont les cauchemars du quotidien. La paupérisation et le culte de l'argent roi y ont développé une économie parallèle liée aux trafics (stupéfiants, recels, humains...) et souterraine de subsistance (E. Bay, brocantes, second travail au noir...). Face à cela, l'État se désengage massivement des outils de solidarité, laissant les collectivités locales et les maires en premier lieu, devenir les principaux acteurs des politiques de solidarité. On se dépatouille comme on peut, moi comme les autres, et toujours plus difficilement.

La gauche ne sait plus faire face. Mon expérience me prouve tous les jours qu'il n'y a plus de vision politique globale pour agir localement, et que chaque maire gère sa " baronnie " à sa convenance en faisant, pragmatiquement, de son mieux pour conserver son poste lors des échéances électorales. C'est une dépolitisation du politique dramatique et suicidaire. Je ne peux m'y résigner.

Au bord du gouffre, il ne nous reste plus qu'à réagir. Ce contexte de crise impose de vraies ruptures en politique. Sortir des schémas dépassés pour affronter une réalité qui a changé et des attentes nouvelles. La gauche en semble bien incapable : le PS gère sans entendre le désespoir qui monte. Le PCF essaie de s'en faire écho mais, sans imagination, demeure inaudible.

Nous avons besoin d'uneremise en cause profonde de l'action de la gauche dans son ensemble afin de sortir des arcanes politiciennes qui font désespérer le peuple de cette gauche et de sa capacité de transformation. Un projet qui puisse convaincre que le changement radical est possible.

Avec mon héritage communiste et mon expérience de jeune élu de banlieue, je veux essayer de dessiner quelques pistes. Parce que sans espoir politique, notre monde n'en peut plus.

Sylvia Zappi est journaliste au service politique du Monde. Elle est l'auteur, en collaboration avec Fadela Amara, de Ni putes ni soumises (2003, éditions La Découverte).


.../...