Apparere

Ses oeuvres, qui empruntent des formes multiples, passant notamment par le support fi lmique, questionnent le statut de l'image et son processus de création. Depuis plusieurs années, Rigolini a cessé de
prendre des photos, préférant récupérer celles de photographes anonymes. La démarche est conceptuelle : l'acte d'appropriation et le retravail sur des documents anonymes sans valeur leur confèrent une valeur autre. Juxtaposées pour créer une narration personnelle, et donc un point de vue artistique, les photographies révèlent alors une approche créative originale. Les références aux avantgardes du XXe siècle, notamment au Bauhaus et à la Nouvelle Objectivité, ne sont pas loin ; elles inscrivent les productions de Rigolini dans une dimension à la fois conceptuelle et poétique. Les manipulations qu'il fait subir aux images soulignent leur nature picturale : chaque rayure, marque et
grain de poussière, de même que les diff érentes tonalités de couleur affi rment leur matérialité. Depuis toujours, et ce dès les premières expériences menées par les pionniers – de Hippolyte Bayard à Nicéphore Niépce, en passant par Henry Fox Talbot –, la photographie
est liée à la technologie. Aujourd'hui, l'arrivée des images générées par l'IA bouleverse la donne et requestionne la qualité de l'artiste et l'idée de création. Ce champ exploratoire de l'IA intéresse particulièrement Rigolini en off rant d'autres possibilités pour sonder la photographie, sa
vérité et sa nature. Intitulé Apparere (" apparaître " en latin), cet ouvrage présente un corpus visuel généré à l'aide d'algorithmes d'intelligence artificielle. Les images rassemblées ici résultent d'indications très détaillées que l'artiste a lui-même données à un logiciel d'IA. Le dialogue qu'il instaure avec la machine fl oute un peu plus la frontière entre la nature photographique et picturale des oeuvres qu'il produit. Cet ensemble évoque à la fois les expérimentations
formelles des avant-gardes et l'esthétique de l'abstraction photographique. L'oeil tente d'identifi er une forme, de reconnaître un paysage, de retrouver une allusion à l'histoire de l'art. Mais ici l'artiste atteste sans équivoque que l'image photographique est toujours et seulement un simulacre de la réalité. Reste alors au regardeur à apprécier le voyage onirique.