Eddie Barclay et moi

François Bernheim a 21 ans quand il est recruté par " l'empereur du microsillon ", le roi des maisons des disques, comprenez Eddie Barclay. Avec son cigare et son œillet bleu vissé à la boutonnière, avec ses peignoirs en satin étincelants et ses grosses voitures, Barclay est aussi une figure de l'hédonisme d'après-guerre, un héros de la vie facile. C'est encore un chef de bande, auprès de laquelle il aime jouer le rôle de maître charismatique. Mais pourquoi donc Barclay a-t-il jeté son dévolu sur ce jeune Bernheim ? Pourquoi lui a-t-il confié si vite des projets artistiques ambitieux ? Pourquoi, par exemple, lui confie-t-il la carrière musicale de Brigitte Bardot ? Le fait est que Barclay devient vis-à-vis de François un genre de père de substitution, celui dont on espère la légitimation, la reconnaissance, la complicité. Or ces bénéfices espérés ne viennent jamais. D'où, d'ailleurs, le désarroi du jeune homme, ses insomnies et ses errances nocturnes au volant de sa voiture. Ce trouble est d'autant plus fort que Barclay conserve ses énigmes. Au vrai, quel est son talent ? Est-il au moins passionné par ce qu'il fait ? Y a-t-il un homme sincère derrière le personnage un brin ridicule qu'il s'est créé ?

Sont-ce ici les mémoires de François Bernheim ou bien est-ce l'impossible biographie d'Eddie Barclay ? De l'ambiguïté très littéraire de ce texte nait un plaisir de lecture " inclassable ".