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Revue Savoir/Agir n° 65
Croquant - EAN : 9782365124447
Édition papier
EAN : 9782365124447
Paru le : 11 mars 2025
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- EAN13 : 9782365124447
- Collection : REVUE
- Editeur : Croquant
- Date Parution : 11 mars 2025
- Disponibilite : Pas encore paru
- Nombre de pages : 120
- Format : H:180 mm L:140 mm E:10 mm
- Poids : 310gr
- Résumé : L’émergence des « questions sociales » Depuis plus de deux décennies, les débats autour des « questions sociales » en Corée du Sud, au Japon et à Taïwan ont pris une ampleur sans précédent. Considérés comme « développés » et « démocratiques », ces trois pays font face en effet à l’aggravation des inégalités socio-économiques, à l’omniprésence de la concurrence, à l’exacerbation d’une méritocratie élitiste, au vieillissement accéléré de la population ou encore aux enjeux environnementaux. Ces « questions sociales », désignées par les mêmes caractères chinois (社æåé¡) dans les trois pays, définissent un enjeu spécifique dont l’interprétation varie selon les contextes, mais généralement appréhendé à la fois comme un sujet de débat public, un domaine d’intervention étatique et un défi à relever. Bien que ces questions ne soient pas nouvelles, l’ampleur qu’elles ont prise marque une rupture significative avec la période où les préoccupations économiques et politiques prédominaient souvent au détriment des enjeux sociaux. Dans les trois pays, ces « questions sociales » présentent plusieurs similitudes. En dépit de leur émergence décalée dans le temps – le Japon ayant été généralement précurseur par rapport à Taïwan et à la Corée du Sud –, elles n’ont pas occupé une place prioritaire dans les agendas nationaux. Les gouvernements ont souvent cherché leur légitimité dans le développement économique et dans l’instrumentalisation politique de la menace extérieure, exacerbée durant la guerre froide face aux régimes communistes chinois et nord-coréen. Ainsi, les systèmes de protection sociale, la redistribution des revenus ou les droits des travailleurs y restent relativement moins développés que dans les pays européens. La fin de la forte croissance économique, la démocratisation (particulièrement à Taïwan et en Corée du Sud) et l’essor de la mondialisation dans les années 1990 ont catalysé l’émergence de diverses formes de mobilisation sociale : débats, publications, conférences et médias sociaux, proposent des solutions aux « questions sociales ». Face aux mutations structurelles internes et externes, de multiples acteurs sociaux et politiques se sont progressivement engagés autour de ces enjeux, contribuant à redéfinir l’agenda politique national. Cette dynamique a engendré une reconfiguration des priorités qui fait écho aux nouvelles réalités économiques et sociales de ces pays en transition. Repenser les paradigmes savants Ces mobilisations ont profondément influencé l’évolution des « sciences sociales critiques », accordant une attention accrue aux « questions sociales » longtemps marginalisées dans le milieu académique. La communauté universitaire a réagi tardivement, avec une minorité de chercheurs qui se sont engagés dans ces domaines dans le sillage des mouvements progressistes des années 1960-1970 au Japon et des luttes contre les régimes autoritaires à Taïwan et en Corée du Sud dans les années 1980. Avec la croissance économique soutenue et l’accélération de la démocratisation entamée à la fin des années 1980, de nombreux chercheurs ont délaissé leurs domaines de recherche habituels (travail, syndicalisme, etc.) pour se tourner vers de nouveaux objets (démocratie participative, art et culture, féminisme, etc.). Cette réorientation a été particulièrement influencée par diverses mouvances néolibérales et par des courants intellectuels importés, perçus, sinon comme « avant-gardistes », du moins « à la mode »Â : pensée dite « postmoderne » ou théories critiques « radicales ». Dans une perspective critique et progressiste, les chercheurs d’Asie de l’Est s’efforcent de renouveler les approches en sciences sociales imprégnées par la pensée anglo-saxonne, en remettant en question les paradigmes dominants, souvent teintés de culturalisme ou d’occidentalo-centrisme, qui prévalent tant chez les « spécialistes de l’Asie » que dans les milieux académiques influents de la région. Une thèse emblématique de ces approches contestées est celle de Max Weber, postulant l’incompatibilité entre les « valeurs asiatiques », notamment le confucianisme, et la modernisation économique et politique. Alors même que les trajectoires économiques des pays d’Asie de l’Est, marquées par un « miracle économique » et une démocratisation – tardive pour la Corée du Sud et Taïwan –, contredisent ces conjectures mécanistes. Ces pays ont, en effet, connu une transformation économique remarquable (voir Tableau 1 et 2), passant du statut de pays en développement à celui de « pays développés » (label fortement valorisé dans l’imaginaire collectif des société@s est-asiatiques). Cette évolution est objectivée dans le niveau de revenu par habitant, désormais comparable à celui du Japon et de la France , ainsi que dans leur poids significatif au sein de l’économie mondiale. Les chercheurs critiques ne se contentent pas d’observer ces transformations, mais s’attachent à décrypter leurs mécanismes sous-jacents. Bien que leur démarche remette en question les grilles de lecture traditionnelles, elle tend à établir une dichotomie problématique. Cette approche associe la fin de la période de forte croissance économique à l’émergence de nouveaux défis sociaux, suggérant un lien de causalité entre deux phases supposées distinctes. De plus, elle isole artificiellement les « questions sociales » d’autres facteurs politiques, économiques ou culturels, pourtant intrinsèquement liés. Malgré son caractère novateur, cette perspective s’expose au risque de simplifier outrancièrement des dynamiques complexes et interdépendantes. Pour dépasser ces schémas analytiques réducteurs, une approche plus nuancée s’impose, qui prend en compte la multiplicité des facteurs internes et externes qui ont façonné les spécificités des pays d’Asie de l’Est, lesquels se caractérisent par une longue période de croissance économique soutenue, une modernisation accélérée et des transformations sociales, politiques et culturelles d’une ampleur sans précédent. Une analyse socio-historique et intersectorielle permet d’appréhender ces évolutions singulières, montrant comment la rapidité et l’intensité des changements ont engendré des reconfigurations profondes des structures sociales, des mentalités et des institutions. Cette approche analytique permet de saisir également les tensions persistantes entre pratiques traditionnelles et normes contemporaines, tout en contextualisant ces évolutions dans le cadre d’une mondialisation accélérée. Vers un cadre d’analyse des défis sociaux des pays est-asiatiques Dans cette optique, l’analyse des « questions sociales » en Asie de l’Est suppose de tenir compte de deux dimensions clés : la « vitesse » et l’« accumulation ». La première permet d’étudier les effets d’un développement économique rapide sur les changements sociaux majeurs, tandis que la deuxième focalise l’attention sur les résultats cumulatifs des transformations socio-économiques passées plutôt que sur de simples fluctuations conjoncturelles (comme le ralentissement de la croissance). Ainsi, le concept de « modernité compressée » permet d’apporter un éclairage pertinent, en particulier sur les cas taïwanais et sud-coréen. Ces pays incarnent un modèle de transition « d’une nation pauvre à une nation avancée », selon la terminologie indigène. Ce concept décrit un processus de modernisation accéléré et condensé, où les transformations économiques, sociales et culturelles s’opèrent en quelques décennies, contrastant avec les processus occidentaux étalés sur plusieurs siècles. Le Japon, puissance régionale dès le début du vingtième siècle, a suivi une trajectoire qui s’étend sur une période plus longue. Sa période de haute croissance, caractérisée par des taux annuels moyens de 10 %, s’est achevée avec le choc pétrolier de 1973. Néanmoins, l’économie japonaise a conservé un certain dynamisme jusque dans les années 1980, affichant une croissance annuelle moyenne de 4,1 % entre 1975 et 1990 (voir Tableaux 1 et 2).